La Maison d’Aïna et le système d’enseignement - partie 2

Je ne cherche pas à peindre un faux portrait, une situation qui n’est pas la vraie. Je me dois donc de peindre un portrait difficile à regarder parce que c’est le paysage qu’offre Madagascar en terme d’éducation et d’enseignement. La dernière fois j’expliquais que le système était en totale inadéquation avec les réalités dans le milieu rural. J’énonçais assez simplement le fait que le programme tel qu’il existe a besoin d’une totale refonte. Si je vous disais qu’il ne fallait pas attendre pour agir c’est parce que les actions ne viendront pas d’en haut. Les gouvernements se succèdent sans qu’aucun ne franchisse le pas.

Dans cette optique, tout un chacun devient acteur de sa vie mais aussi de celle des autres. Sans interférer, sans s’immiscer, chaque personne doit se rendre compte que sa parole compte et que son expérience est un bien indispensable pour améliorer le système entier. En ce sens, l’échelle d’action importe peu tant que l’acteur apporte sa contribution. La Maison d’Aïna, LMA, pense un peu de la même façon. Chaque personne est unique, chaque personne se vaut. Il n’y a pas une personne qui apprend à une autre comment fonctionne telle ou telle chose. Mais il y a deux personnes qui interagissent et offrent leurs connaissances à l’autre. À partir de là, bien des idées émergent.

Tout d’abord, faire comprendre à l’enfant que sa parole est importante lui permet de se considérer autrement qu’un fardeau, qu’une bouche à nourrir. Il comprend que son rôle est plus grand que celui d’apprendre bêtement ce qu’on lui enseigne. Il apprend pour analyser, critiquer et non pour réciter. Il cesse d’être passif de son éducation. Il devient maitre de son avenir en faisant ses propres choix et surtout en connaissant les opportunités que lui offre le savoir. L’élève devient un acteur au même titre que son professeur. Ce dernier doit aussi apprendre autant, de ses élèves, que ce qu’il leur apporte, puisque le chemin vers la connaissance se fait ensemble dans l’expérience. Et c’est seulement en empruntant ce chemin que les deux acteurs peuvent s’accomplir pleinement. On comprend bien que l’enseignant occupe un rôle crucial car il transmet un savoir. Cependant, s’arrêter à cette perspective-là entrainerai un oubli majeur : l’échange dans deux sens mais, de surcroit, il négligerait le fait que se joue l’avenir d’un enfant. Enfant qui peut jouer un rôle dans l’avenir de son entourage voire, à une autre échelle, de son pays.

Ensuite, parce que la tyrannie du quotidien empêche de rêver et de se projeter, l’école doit devenir un lieu d’épanouissement mais aussi un lieu d’accomplissement pour l’enfant. Elle doit être un moyen de parvenir à sa propre réussite, avec l’aide de son entourage. Et doit donc aider l’enfant à prendre confiance en lui et ne doit pas devenir un lieu d’humiliation ou d’incompréhension. Les élèves qui sont les plus vulnérables vivent avec le poids de leur situation et de leur environnement. Alors ces élèves-là doivent pouvoir vivre avec le sentiment qu’ils sont des êtres humains considérés et qu’ils méritent un enseignement en adéquation avec leurs besoins. LMA cherche, en ce sens, à leur ouvrir de nouvelles perspectives ou, plus exactement, à leur faire réaliser que leurs rêves et leurs ambitions sont au bout de leurs bras et qu’ils n’ont qu’à les tendre.

Même si actuellement LMA continue à enseigner le programme national avec ses méthodes telles qu’elles existent, elle ne se ferme pas pour autant à de nouvelles. Si elle se retrouve confrontée à la passivité de l’étudiant, elle cherche pour autant un moyen de le rendre actif. La tyrannie du court terme empêche de se projeter mais n’empêche pas de penser. En effet, LMA offre un cadre ainsi qu’un soutien moral et financier à toute une communauté et cherche aussi à offrir un avenir aux enfants de cette dernière. Elle agit dans le présent tout en pensant à l’avenir. Elle considère élèves comme parents à leur juste valeur et cherche à leur donner un futur qu’ils auront construit eux-mêmes, dans la fierté et la dignité.

Au travers de ces lignes, je cherche à expliquer que la refonte du système d’enseignement ne consiste pas qu’à changer le fond, le contenu du programme mais aussi à changer la façon de les enseigner. La clef de la réussite par l’éducation consiste à créer un système d’enseignement adapté aux besoins des enfants – du fait de leurs conditions de vie, mais aussi à créer un système de transmission du savoir qui rende hommage à l’enfant et le reconsidère. L’élève doit apprendre ce qui lui sera nécessaire pour sa vie, mais il doit aussi s’intéresser à ce qu’on veut lui apprendre. Il doit être curieux et pour cela il faut pouvoir laisser cette curiosité s’exprimer.